Chapitre I – La perte et le transfert des titres et de la compétence

Les terres de réserve ont été attribuées aux Premières nations. Les titres et la compétence relatifs à ces terres de réserve ont été enlevés aux Premières nations au moyen des trois premiers mécanismes décrits ci‑dessous, et le transfert des titres et de la compétence a été officialisé par les deux derniers :

Politique – Alors que le Dominion du Canada était formé, on a pris une décision de politique pour empêcher les Premières nations de posséder les titres de leurs terres. Par la suite, en 1839, par une loi du Haut‑Canada, on a classé les terres indiennes comme « terres de la Couronne ». En 1841, le gouverneur général de l’époque, lord Sydenham (Charles Poulett Thomson), a déclaré ce qui suit :

[Traduction] « Les Indiens occupent des terres de grande valeur, sans profit pour eux‑mêmes et de façon nuisible pour le pays. Ils causent des problèmes infinis au gouvernement et n’ajoutent rien aux richesses, à l’industrie ou à la défense de la province. »

En 1850, on a adopté une loi qui conférait toutes les terres et les propriétés indiennes situées au Bas‑Canada au commissionnaire des terres des Sauvages.

Constitution – La Loi constitutionnelle de 1867 attribue les titres des terres à la Couronne fédérale et à la Couronne provinciale. L’article 109 de cette loi attribue à chaque province toutes les terres, toutes les mines, tous les minéraux et toutes les réserves royales qui se trouvent à l’intérieur de ses frontières, sous réserve de tout autre intérêt que ceux de la province. De plus, la Loi constitutionnelle confère tous les pouvoirs législatifs aux deux ordres de gouvernement. Les pouvoirs fédéraux sont établis à l’article 91 et comprennent ceux à l’égard des « Indiens et des terres réservées aux Indiens » (article 91.24). Les pouvoirs provinciaux sont établis à l’article 92 et comprennent ceux à l’égard des ressources naturelles (92(5)) et des droits civils et de propriété (92(13)). En 1930, on a modifié la Constitution pour étendre les droits fonciers prévus à l’article 109 aux provinces des Prairies, afin d’apporter de la clarté relativement aux terres et aux ressources. En 1982, on l’a modifiée de nouveau pour fixer la Charte canadienne des droits et libertés, et reconnaître et confirmer les « droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada » (article 35).

Législation – La Loi sur les Indiens définit une réserve comme suit : « Parcelle de terrain dont Sa Majesté est propriétaire et qu’elle a mise de côté à l’usage et au profit d’une bande ». Cela veut dire que la Couronne détient le titre juridique des réserves. Cela a créé de la confusion, étant donné que les provinces détenaient les droits fonciers et de propriété en vertu de l’article 109 de la Constitution. Par conséquent, il n’est pas toujours clair si c’est la Couronne provinciale ou fédérale qui détient le titre des terres de réserve.

Transferts – En C.‑B., la Couronne fédérale détient le titre juridique, parce que le décret 1036 a transféré le titre provincial des réserves au gouvernement fédéral. Cela n’a pas eu lieu dans les autres provinces, ce qui veut dire que, dans certains cas, il est possible que la province détienne le titre des réserves.

Enregistrement foncier – Les gouvernements provinciaux ont établi des bureaux d’enregistrement des titres pour enregistrer les terres, les transferts de terres et les intérêts de propriété. Tous les intérêts de propriété sont enregistrés dans le régime d’enregistrement des titres fonciers, et, s’il s’agit d’un régime Torrens, l’enregistrement garantit le titre en fief simple du propriétaire. La législation provinciale sur les titres fonciers constitue également le fondement d’autres lois provinciales constituant la base des droits de propriété dans la province. Par exemple, en C.‑B., au moins 50 mesures législatives sont liées à la Land Title Act et au Land Title Registry. En revanche, le Système de contrôle du registre des terres indiennes (SCRTI) est un mécanisme servant à enregistrer les intérêts dans les terres autochtones. Il ne garantit pas les droits de propriété et n’est lié à aucune autre loi, sauf, vaguement, à la Loi sur les Indiens.


Chapitre II – La lutte pour rétablir les titres

Chaque Première nation au Canada lutte pour le rétablissement de son titre, de ses droits et de sa compétence depuis la confédération. Les événements associés à ce défi peuvent être regroupés en trois grandes périodes : des années 1850 à 1950, de 1951 à 1972, et 1973 et au‑delà.

La lutte initiale – Des années 1850 à 1950 

Les chefs des Premières nations ont fait des soumissions au Canada, aux provinces et à la Reine pour obtenir le rétablissement de leurs titres et de leur compétence. Quelques Premières nations ont engagé des avocats pour les soutenir dans cette contestation juridique. À titre d’exemple, voici un extrait d’une soumission présentée à Wilfred Laurier en juillet 1910, en Colombie‑Britannique :

[Traduction] « Nous sommes pour l’obtention du titre garanti et permanent (reconnu comme tel par le gouvernement) de la propriété de nos réserves actuelles et des terres qui y seront ajoutées. »

Entre 1884 et 1927, le gouvernement fédéral a répondu en interdisant tous les moyens de générer des recettes pour appuyer ces réclamations. Deux jalons importants ont été la modification de 1927 de la Loi sur les Indiens qui empêchait les Premières nations de générer leurs propres recettes pour payer des avocats pour faire des réclamations et des contestations juridiques, et la Loi concernant le transfert des ressources naturelles qui attribuait la propriété des terres et des ressources aux provinces des Prairies sans le consentement des Premières nations signataires des traités. Le but de ces efforts est résumé le mieux par un commentaire fait par un représentant du gouvernement, Thomas Mitchell Tweedie, au cours de débats tenus à cette époque :

« Eh bien, les Indiens seront peut‑être contents, ou peut‑être pas. Personnellement, j’estime que puisque les Indiens sont les pupilles du gouvernement, à ce titre, ils sont bien obligés d’accepter le traitement qu’on leur réserve. »

La modification de la Loi sur les Indiens et le Livre blanc – De 1951 à 1972

En 1951, on a modifié la Loi sur les Indiens pour rétablir certains pouvoirs de génération de recettes. Toutefois, au cours des années 1960, le gouvernement fédéral a lancé un débat sur ce qu’il fallait faire des titres et de la compétence liés aux réserves. En 1968 et en 1969, plusieurs réunions ont eu lieu entre les Premières nations et le Canada partout au pays. Elles sont connues sous le nom de réunions de consultation sur la Loi sur les Indiens. Un des résultats de ces réunions a été que certains chefs des Premières nations ont pris conscience qu’ils ne possédaient pas leurs propres réserves.

[Traduction] M. Josie Sam a déclaré au nom des Indiens de la région de la baie James qu’ils étaient incapables de construire des maisons parce qu’ils ne possédaient pas de terres. Pour cette raison, il était nécessaire pour lui de déclarer qu’ils avaient besoin de terres. Québec, Québec – Septembre / octobre 1968

[Traduction] M. Clarence Jules voulait savoir ce qui arriverait si le gouvernement décidait d’abolir les réserves indiennes et de supprimer la Loi sur les Indiens. Il a demandé qui posséderait les terres alors. Il a ajouté que les terres appartenaient aux membres de la bande et que tous doutes à ce sujet devaient être éliminés immédiatement. Kelowna, C.‑B. – Novembre 1968

Le gouvernement fédéral a répondu en présentant la politique indienne du gouvernement du Canada (le Livre blanc de 1969), qui recommandait le transfert aux provinces des titres et de la compétence liés aux réserves. Les Premières nations n’ont pas bien accueilli cette politique, et cela a mené à la phase suivante de la lutte pour les droits et les titres.

Tribunaux et accords

Au cours des 50 dernières années environ, plusieurs décisions de tribunaux ont reconnu et appuyé les titres et les droits autochtones (les affaires Calder, Guerin, Sparrow, Delgamuukw et Tsilhqot’in, entre autres). Ces décisions ont obligé les gouvernements fédéral et provinciaux à négocier divers accords, y compris des accords de règlement globaux. Certains accords ont été finalisés (p. ex., avec les Premières nations Nisga’a, Tlicho, Tsawwassen, Maa‑Nulth et Tla’amin). Toutefois, les négociations sont lentes et coûteuses, et exigent souvent l’extinction des droits et des titres.


Chapitre III – L’historique de l’ITFA

Parallèlement à la stratégie des actions en justice et des négociations, au cours des 40 dernières années, on a fait des efforts pour établir des méthodes pratiques de mettre en œuvre les droits et les titres. Cela a donné lieu à des lois sur l’imposition, et la gestion des terres et des finances. Ces méthodes pratiques ont quatre qualités essentielles :

  1. Elles sont pilotées par les Premières nations.

  2. Elles sont facultatives.

  3. Elles bénéficient d’un soutien institutionnel pour aider les Premières nations à mettre en œuvre la compétence connexe.

  4. Elles comportent un processus législatif par lequel la compétence fédérale ou provinciale est abandonnée, puis prise en charge par les gouvernements des Premières nations.

L’Initiative des titres fonciers autochtones fait partie de cette approche pratique visant à mettre en œuvre les droits et les titres. Elle trouve son origine, au début des années 1990, dans une idée de deux chefs de l’époque, Steven Point et Manny Jules, concernant l’établissement d’un régime d’enregistrement des titres fonciers des Premières nations. En 2008, cette idée a été revigorée par un certain nombre de promoteurs et la Commission de la fiscalité des premières nations. Par conséquent, on a élaboré une proposition législative pratique pour rétablir les titres des terres de réserves des Premières nations. L’ITFA utilise un processus en trois parties pour rétablir les titres des Premières nations :

Engagement communautaire – L’ITFA est une loi facultative. Les Premières nations intéressées doivent prendre la décision communautaire de rétablir le titre de leurs terres et d’assumer la compétence sur ces terres. Il faut obtenir le soutien de la collectivité pour décider de participer à l’ITFA, en tenant un vote majoritaire (auquel au moins 25 % des électeurs doivent voter « Oui ») sur l’application de la loi proposée à la collectivité. Si le vote est favorable, la collectivité aura une « loi foncière » établissant la manière dont le titre sera détenu, transféré et régi.

Loi – La loi proposée de l’ITFA prévoit ce qui suit pour rétablir les titres :

  • Elle établit le cadre pour un régime d’enregistrement des titres fonciers.
  • Elle confirme et autorise des compétences étendues relatives aux droits de propriété, à la gestion des terres et à d’autres domaines connexes, détenues par les Premières nations participantes.
  • Elle transfert le titre en fief simple détenu par le gouvernement fédéral à la Première nation. En C.‑B., le gouvernement fédéral peut faire cela sans loi provinciale.
  • Elle prévoit un mécanisme pour transférer les intérêts existants dans les terres dans le régime d’enregistrement des titres fonciers.
  • Elle prévoit des pouvoirs pour créer et appuyer un environnement réglementaire solide afin que les Premières nations participantes puissent exercer leurs compétences dès le transfert du titre.

Régime d’enregistrement des titres fonciers – L’ITFA établit un régime d’enregistrement des titres fonciers des Premières nations, afin que les Premières nations participantes puissent faire ce qui suit :

  • Enregistrer tous les droits de propriété.
  • Établir des droits de propriété pour les membres et d’autres personnes.
  • Fournir un titre garanti sur leurs terres.
  • Exercer leur compétence de manière efficace.

Chapitre IV – L’avenir

Les Premières nations promotrices écriront l’avenir de l’ITFA. Elles mèneront son adoption. Elles dirigeront sa mise en œuvre. Elles détermineront ce pour quoi elle sera utilisée. Voici un certain nombre d’idées qu’elles ont proposées :

Mise en œuvre des titres aborigènes – L’ITFA pourrait représenter une approche pratique pour la mise en œuvre des réclamations de titres aborigènes pour les Premières nations intéressées. Bien que cela n’ait pas été mis à l’essai, on s’attend à ce que la plupart des Premières nations puissent revendiquer directement le titre aborigène de leurs terres de réserve. Elles peuvent obtenir la confirmation de ce titre aborigène devant les tribunaux ou il pourrait être reconnu par une loi ou un accord. Si une Première nation décidait de participer à l’ITFA et qu’elle obtenait la reconnaissance du titre aborigène de sa réserve, elle posséderait le titre de la Couronne et le titre aborigène. Si cette approche fonctionnait, l’ITFA pourrait être un moyen de mettre en œuvre des titres aborigènes sur d’autres terres territoriales.

Accélération des ajouts aux terres des Premières nations – L’ITFA pourrait améliorer les AR, en garantissant le maintien de la valeur des terres des AR. Cela se fera en transférant les terres des AR à la Première nation participant à l’ITFA, laquelle pourra alors exercer ses pouvoirs gouvernementaux sur ces terres. De plus, l’ITFA accélérera considérablement le processus des AR, en réduisant les délais d’examen et de traitement des AR, parce qu’il ne sera pas nécessaire de transférer les terres au gouvernement fédéral pour qu’elles soient converties en terres de réserve. Le titre des terres pourra être transféré directement à la Première nation, et les intérêts existants dans les terres pourront être maintenus dans le régime d’enregistrement des titres fonciers de l’ITFA. Cela réduira considérablement les délais d’examen des AR et les coûts connexes.

Fourniture de logements aux membres – L’ITFA établira un régime d’enregistrement des titres fonciers Torrens des Premières nations, afin de fournir une priorité d’enregistrement et des titres juridiquement garantis pour les terres visées par l’ITFA. Un régime d’enregistrement Torrens combiné au droit de propriété individuel assurera une meilleure garantie pour l’accès au financement hypothécaire, et accroîtra la valeur des propriétés. L’ITFA appuiera le financement hypothécaire et facilitera un marché de l’habitation et la création d’entreprises. Un plus grand avoir foncier pourra être utilisé pour financer les entreprises, l’éducation et les retraites, et léguer des richesses à la prochaine génération.

Soutien du développement économique – L’ITFA permettra aux Premières nations d’échapper à la Loi sur les Indiens et de renforcer leur climat d’investissement, afin de suivre le rythme des affaires. Un droit de propriété garanti par le régime d’enregistrement Torrens réduira le temps nécessaire pour effectuer les transactions foncières. Un régime d’enregistrement des titres Torrens réduit les coûts de transaction liés aux transferts et aux prêts hypothécaires d’au moins 75 % par rapport à ceux associés au SCRTI. L’ITFA comprendra un cadre juridique prêt à être utilisé, afin de fournir un degré de certitude aux Premières nations et aux investisseurs. Cela contribuera à réduire grandement le temps nécessaire pour l’élaboration des textes législatifs et des procédures, et à combler les lacunes juridiques liées aux titres fonciers, au zonage, à l’approbation des projets d’aménagement, au privilège du constructeur et aux autres lois. Ainsi, l’ITFA ramènera le pouvoir décisionnel au niveau local, ce qui éliminera les restrictions au développement économique de la Loi sur les Indiens.

Mise en œuvre des droits inhérents en vertu de l’article 35 – L’ITFA pourrait fournir un moyen d’obtenir la reconnaissance des titres et de la compétence autochtones. L’ITFA est l’occasion de vérifier la théorie selon laquelle la législation fédérale sous l’autorité du Canada en vertu de l’alinéa 91(24) prévoit une partie du processus ordonné pour mettre en application l’article 35. Ce processus a lieu lorsque le gouvernement fédéral abandonne un domaine de compétence et que les Premières nations le prennent en charge. Bien que cela n’ait pas été vérifié, il est possible que l’ITFA et, au besoin, des lois provinciales semblables fournissent une voie vers la mise en œuvre des titres et des droits inhérents en vertu de l’article 35 pour les Premières nations participantes.


Propriété et titres collectifs

Actuellement, les Premières nations ne possèdent pas leurs réserves. En vertu de la Loi sur les Indiens, les terres de réserve appartiennent à la Couronne. À l’article 2 de la Loi sur les Indiens, « réserve » est définie comme suit :

« Parcelle de terrain dont Sa Majesté est propriétaire et qu’elle a mise de côté à l’usage et au profit d’une bande. »

Étant donné que les terres sont détenues par la Couronne pour l’usage et le profit des Premières nations, le gouvernement fédéral a une obligation fiduciaire et d’autres responsabilités du même ordre en ce qui concerne la gestion des terres. Ces responsabilités exigent un examen approfondi conformément à la politique fédérale et aux lois et aux règlements limités. Cela a pour effet d’augmenter considérablement les coûts de faire des affaires sur les terres des Premières nations. Selon les recherches effectuées par la Commission de la fiscalité des premières nations (CFPN), les coûts sont au moins quatre à six fois plus élevés sur les terres des Premières nations qu’à l’extérieur de leurs terres.

Théoriquement, la Loi sur la gestion des terres des premières nations peut réduire ces coûts, mais son application est entravée par trois contraintes. En premier lieu, les Premières nations participantes doivent élaborer et mettre en application leurs propres textes législatifs, afin de combler le vide réglementaire considérable créé par la Loi sur les Indiens. Cela est coûteux en argent et en temps. En deuxième lieu, les titres sont conservés par le gouvernement fédéral, de sorte que, souvent, les valeurs des propriétés et l’accès au capital ne sont pas équivalents à ceux associés à la propriété hors réserve. En dernier lieu, bien que la LGTPN reconnaisse la compétence des Premières nations, elle ne prévoit pas de moyen de convertir les titres aborigènes juridiquement reconnus en une propriété des Premières nations qui soit pratique.

La proposition de l’ITFA prévoit une méthode pratique de convertir les titres et la propriété des Premières nations, et un régime de droits de propriété et de gestion des terres amélioré ultérieur pour les Premières nations. Cela sera réalisé des cinq façons suivantes :

  1. Dans le cadre de l’ITFA, la possession par les Premières nations remplacera la possession actuelle des réserves par la Couronne.
  2. Les Premières nations participant à l’ITFA disposeront du plein pouvoir de gestion des terres, et de pouvoirs gouvernementaux élargis sur leurs terres, lesquels s’appliqueront quel que soit le type de droits de propriété individuels accordé. Cela veut dire le maintien de leur compétence sur l’utilisation des terres, l’imposition et les services publics, les pouvoirs d’expropriation, et les droits réversifs.
  3. L’ITFA prévoit un cadre juridique prêt à être utilisé, pour la mise en œuvre efficace de ces compétences.
  4. L’ITFA sera appuyée par une formation accréditée, afin de garantir que les compétences soient mises en œuvre de façon efficiente, pour réduire les coûts de transaction.
  5. Certaines Premières nations considèrent que c’est une méthode pratique pour convertir les titres et la propriété gagnés devant les tribunaux en droits de propriété et en compétence, parce qu’elle respecte les critères établis par les tribunaux. Elle est facultative, exige le consentement de la collectivité, transfère le titre à la Première nation et protège le titre sous‑jacent.

Options de droits de propriété complètes

L’ITFA fournit aux Premières nations participantes le titre de leurs terres. La possession des terres par les Premières nations remplacera leur possession actuelle par la Couronne, et comprendra les droits réversifs et les pouvoirs d’expropriation des Premières nations. C’est le plus important intérêt de propriété disponible au Canada, et il reflète la propriété sous‑jacente détenue par les gouvernements fédéral et provinciaux au Canada.

En plus de la propriété sous‑jacente, les Premières nations participant à l’ITFA exerceront la compétence sur la gestion des terres, l’imposition et la détermination des droits de propriété. Ces compétences s’appliqueront quel que soit le type de droits de propriété que la Première nation décide d’accorder. Ce sont là des compétences et des droits de propriété semblables à ceux que les gouvernements fédéral et provinciaux du Canada possèdent. Donc, tout comme le transfert ou l’octroi de droits de propriété individuels ne les soustrait pas à la compétence fédérale ou provinciale, les terres visées par l’ITFA ne seront pas soustraites à la compétence des Premières nations. L’ITFA préserve la propriété sous‑jacente des Premières nations. Plus particulièrement, l’ITFA la préserve au moins des façons suivantes :

  • Les compétences en matière de terres et d’impôts des Premières nations participant à l’ITFA comprendront des pouvoirs de contrainte semblables à ceux des autres gouvernements, y compris le pouvoir de saisir l’intérêt dans les terres.
  • Les Premières nations participant à l’ITFA pourront établir des terres communautaires permanentes.
  • Les Premières nations participant à l’ITFA pourront choisir de permettre la propriété individuelle, déterminer dans quelle mesure la permettre et déterminer sur quelles terres la permettre.
  • Les Premières nations participant à l’ITFA auront des pouvoirs d’expropriation comparables à ceux des autres gouvernements.
  • Les terres d’une Première nation participant à l’ITFA faisant partie d’une succession laissée sans héritier retourneront à la Première nation (droits de mise en déshérence).

Cette compétence de gouvernement et de propriété collective constitue le fondement sur lequel un régime de droits de propriété complet peut être bâti. Dans le cadre de l’ITFA, tous les types d’options de modes d’occupation sont disponibles (location, bail et propriété). Pour la première fois, les membres des collectivités participant à l’ITFA pourront détenir le titre de leur terrain et de leur maison. En conséquence, le titre et la propriété des terres garantis donneront un accès considérablement accru au capital aux membres des Premières nations participant à l’ITFA à des fins personnelles (comme l’accès à la propriété et la construction d’une maison) et aux gouvernements des Premières nations participant à l’ITFA à des fins communautaires (comme la fourniture de routes, de services publics et d’autres infrastructures, et le développement et la croissance d’entreprises communautaires).

 


Accès au capital et au logement

Il y a une demande considérable de logements dans les réserves. Les estimations de la demande excédentaire de logements destinés aux Premières nations vont de 50 000 à 200 000 logements. À ce jour, les initiatives gouvernementales pour répondre à cette demande ont été insuffisantes. En 2008, le gouvernement fédéral a mis de côté 300 millions de dollars pour le Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations. On s’attendait à ce que le résultat soit 25 000 nouvelles maisons en 10 ans. En date de mai 2015, selon les données les plus récentes, seulement 99 maisons ont été bâties. Plus récemment, le gouvernement fédéral a affecté 300 millions de dollars supplémentaires pour construire des maisons destinées aux Premières nations. On s’attend à ce que ces fonds aident à construire jusqu’à 2000 maisons supplémentaires. Cela pourrait prendre jusqu’à 100 ans d’engagements semblables pour répondre à la demande excédentaire.

Les principales causes de cette situation sont les restrictions empêchant un système de logement de marché sur les terres autochtones. Plus particulièrement, en raison des modes d’occupation, des restrictions touchant les saisies et du régime d’enregistrement actuels, il est plus risqué et moins efficient pour les prêteurs d’accorder des prêts hypothécaires aux propriétaires autochtones potentiels. De plus, ces restrictions ne permettent pas un marché adéquat pour la revente et, par conséquent, font baisser la valeur des propriétés.

L’ITFA traite toutes les causes de l’échec du marché du logement des Premières nations. En premier lieu, elle prévoit des options de mode d’occupation meilleures et plus propices aux échanges. En deuxième lieu, elle facilite un marché immobilier ouvert. En troisième lieu, en cas de non‑paiement d’un prêt hypothécaire, la saisie est autorisée. En quatrième lieu, ce qui est peut‑être le plus important, elle établit un régime d’enregistrement Torrens plus efficient pour mettre en place l’infrastructure nécessaire à un marché du logement efficace.

Les options de droits de propriété élargies et le régime d’enregistrement Torrens constituent le fondement d’un système de logement des Premières nations amélioré. Le régime Torrens des Premières nations proposé remplacerait le Système de registre des terres indiennes (SRTI) pour les Premières nations participant à l’ITFA et peut‑être les autres Premières nations également. Un régime d’enregistrement Torrens fournirait une priorité d’enregistrement et des titres juridiquement garantis pour les terres visées par l’ITFA. Cela assurerait la certitude juridique relativement à la propriété des terres des Premières nations et faciliterait de manière efficiente toutes les transactions liées aux terrains. Par contre, le SRTI ne fournit aucune de ces garanties. Un régime d’enregistrement Torrens combiné à toutes les options de mode d’occupation présente trois avantages distincts sur le plan du financement hypothécaire résidentiel par rapport à un régime d’enregistrement des actes (SRTI) combiné à la propriété à bail.

  1. Des coûts de transaction moins élevés – Un régime de titres fonciers Torrens a des coûts de transaction de financement hypothécaire moins élevés comparé à un régime d’enregistrement des actes. L’utilisation d’un régime d’enregistrement Torrens pour la recherche d’un financement hypothécaire est plus rapide d’au moins 17 jours que celle du SRTI.
  2. Une plus grande sécurité pour accéder au financement – L’enregistrement et les titres Torrens offrent une plus grande sécurité aux prêteurs en cas de non‑paiement. Le processus juridique de forclusion a été établi clairement dans le régime Torrens partout au Canada. En vertu de la Loi sur les Indiens et du régime d’enregistrement des actes, la protection contre le non‑paiement pour les Premières nations doit compenser les incertitudes associées aux baux et la chaîne de titres sur le document de l’acte.
  3. Des valeurs de propriétés plus élevées – Si les Premières nations décident de créer des titres individuels garantis dans le cadre de l’ITFA, les valeurs des propriétés seront plus élevées que celles des propriétés à bail. Toutes choses étant égales par ailleurs, les propriétés à bail perdent beaucoup de valeur à mesure que leur durée s’écoule. Par exemple, s’il reste 30 ans au bail et que l’on suppose que les environnements juridique, administratif et infrastructurel sont semblables, la valeur du bail équivaut à seulement environ 65 % du titre en fief simple. Pour les Premières nations, ces valeurs seraient certainement moins élevées, étant donné qu’en plus d’utiliser des titres à bail, leurs environnements juridique, administratif et infrastructurel sont généralement moins développés que ceux des terres à titres garantis hors des réserves des Premières nations. Le résultat est moins de financement pour les titres à bail résidentiels dans les réserves.

Les résultats sont encore empirés dans les cas où une Première nation fournit un certificat de possession (CP) pour faciliter l’accession à la propriété. La raison en est que les CP ne permettent pas de saisie et ont un plus petit marché. Même si certaines Premières nations participant à la Loi sur la gestion des terres des premières nations (LGTPN) utilisent, louablement, des méthodes novatrices pour convertir des CP en baux, afin de donner accès au financement hypothécaire et à un marché du logement, elles font toujours face, avec cette approche, à des coûts de transaction plus élevés, à un accès réduit au financement et à des valeurs de propriétés moins élevées.

L’ITFA permettra aux Premières nations participantes d’accorder la propriété de terrains à des personnes, ce qui leur fournira l’avoir foncier dont elles ont besoin pour financer et construire / rénover leurs maisons. De plus, cela permettra aux membres d’accéder au capital entrepreneurial, en éliminant les restrictions de la Loi sur les Indiens et en leur permettant d’obtenir des prêts garantis par leur propriété, plutôt que de devoir obtenir une garantie d’emprunt auprès du conseil ou d’un autre organisme. Par conséquent, certaines Premières nations participant actuellement à la LGTPN promeuvent la mise à disposition de l’option de l’ITFA, parce qu’elles croient que cette initiative leur permettra de mieux régler leurs pénuries de logements.

De plus, l’ITFA prévoit une solution pour les Premières nations qui sont dépourvues d’argent, mais riches en terres, en facilitant les partenariats d’aménagement des terres, par exemple, dans les situations où une partie contribue le titre des terres et l’autre, les fonds de roulement. En résumé, l’ITFA appuiera mieux le financement hypothécaire, et facilitera mieux un marché du logement, les activités entrepreneuriales et les legs sur les terres des Premières nations. Par conséquent, l’ITFA établira les conditions nécessaires pour développer et maintenir une classe moyenne autochtone.


Facilitation d’ajouts aux réserves (AR) plus rapides et de plus grande valeur

L’ITFA peut améliorer les AR, en garantissant que la valeur de leurs terres soit maintenue. Cela se fera par l’établissement des titres et de la propriété des Premières nations sur les terres des AR. L’ITFA permettra l’application des pouvoirs gouvernementaux des Premières nations liés à la gestion des terres et de l’environnement, aux procédures d’aménagement et à l’imposition.

De plus, l’ITFA accélérera considérablement le processus des AR, en réduisant les délais de traitement et d’examen des AR, puisqu’il ne sera pas nécessaire de transférer les terres au gouvernement fédéral pour les convertir en réserves. Les titres des terres pourront être transférés directement aux Premières nations. Cela réduira considérablement les délais d’examen des AR et les coûts connexes.

Maintien de la valeur des terres

Les Premières nations qui agrandissent leurs réserves au moyen de droits fonciers issus de traités (DFIT) ou d’AR sont confrontées à un dilemme. Si une Première nation maintient ses terres comme terres provinciales en fief simple, elles conserveront leur valeur, mais la Première nation détiendra seulement la propriété et non la compétence gouvernementale. Cela veut dire que la province et l’administration locale conserveront la compétence législative et les pouvoirs d’expropriation et d’imposition. Si les membres de la Première nation résident sur la propriété, il est possible qu’ils n’aient pas l’occasion de profiter de programmes ou d’exemptions d’impôt dans la même mesure qu’ils le pourraient si la propriété faisait partie de la réserve. Il est possible que la Première nation reçoive moins de financement de programme que si la propriété et les membres se trouvaient dans la réserve. De plus, la Première nation ne serait pas en mesure d’exercer de compétence de gestion des terres ou de l’environnement, de processus d’aménagement ou d’imposition. Les lois et les règlements provinciaux concernant les transactions foncières, l’enregistrement, les normes environnementales, la sécurité en milieu de travail et la propriété condominiale continueraient de s’appliquer.

D’autre part, si la Première nation convertit la propriété en terres de réserve, elle aura la compétence gouvernementale, mais les terres perdront une partie de leur valeur, en étant retirées du marché ouvert et assujetties aux restrictions de la Loi sur les Indiens. Le processus des AR peut prendre des décennies, et cela prendrait également plusieurs années pour rétablir la base législative, les institutions juridiques et les cadres administratifs pour faciliter la gestion, l’aménagement et l’imposition des terres hors réserve.

L’ITFA peut aider à résoudre ce dilemme, en offrant aux Premières nations intéressées l’occasion de maintenir la valeur de la propriété, tout en l’ajoutant à leurs terres de réserve. Dans le cadre de l’ITFA, une Première nation pourra établir un régime de droits de propriété autochtone avec une gamme d’options de propriété individuelle comparables à celles qui sont disponibles hors réserve. De plus, une Première nation pourra exercer des pouvoirs gouvernementaux, comme la gestion des terres et de l’environnement, les procédures d’aménagement et l’imposition. Comme il y a un cadre juridique prêt à être utilisé, les Premières nations participantes pourront choisir d’établir un climat d’investissement complet et comparable (droits de propriété et cadre juridique et administratif) à celui provincial antérieur. Cela devrait avoir pour effet de maintenir la valeur des propriétés lors de l’ajout des terres à l’assise territoriale de la Première nation.

Réduction du temps

L’ITFA représente un changement fondamental dans la manière dont les titres des terres des Premières nations sont détenus. Selon le processus des AR, les titres sont détenus en fiducie par la Couronne pour les Premières nations. En vertu de l’ITFA, les titres sont détenus par les Premières nations. Cela permet de surmonter un obstacle important dans le processus actuel des AR. Au cours de ce processus, le Canada passe beaucoup de temps à examiner tous les éléments des AR, parce qu’il est le propriétaire des terres et en est responsable. En vertu de l’ITFA, la Première nation est propriétaire et elle a les responsabilités associées à la propriété, et non le Canada.

Ce transfert de la propriété et de la responsabilité réduit considérablement le processus d’examen du Canada. L’ITFA réduit les délais, parce que les terres ne doivent pas être transférées au gouvernement fédéral pour être converties en terres de réserve. L’intérêt de propriété peut être transféré directement à la Première nation. Cela réduit beaucoup le temps et les coûts associés au processus des AR.

Dans un processus des AR révisé possible dans le cadre de l’ITFA, les exigences d’examen du gouvernement fédéral pourraient être réduites considérablement et la Première nation devrait seulement s’acquitter de la diligence raisonnable associée à l’ajout de terres à sa compétence (ce qui se produit déjà). De plus, l’ITFA accélérerait les exigences liées aux intérêts des tiers et aux ententes de services associées aux AR. L’ITFA prévoit des options de modes d’occupation plus nombreuses et comparables pour les tiers. L’ITFA prévoit un cadre juridique prêt à être utilisé afin de traiter les incertitudes en matière de compétence pour les administrations locales ayant conclu des ententes de services.

Le tableau ci‑dessous présente un sommaire des différences entre l’ajout de terres à une réserve par le processus des AR, le maintien de terres comme intérêt en fief simple et la réalisation d’un AR dans le cadre de l’ITFA, en fonction de trois facteurs importants : la valeur marchande, la rapidité et la compétence.

ITFA_FR

Essentiellement, l’ITFA donnera aux Première nations la capacité de maintenir la valeur marchande des terres d’AR et d’assumer la compétence sur ces terres, tout en accélérant le processus.


Mise en œuvre des titres aborigènes

Le 25 juin 2014, la Cour suprême du Canada a publié une décision sur l’affaire Nation Tsilhqot’in c. ColombieBritannique [2014] 2 R.C.S. 256 et a reconnu le titre aborigène de la Nation Tsilhqot’in sur 1750 km2 de son territoire traditionnel. Le titre aborigène est une forme de propriété et de compétence particulières aux Premières nations (sui generis). Toutefois, la cour n’a pas précisé la manière dont les titres aborigènes et toutes compétences connexes seraient mis en œuvre. Par conséquent, cette décision a créé quatre types d’incertitude économique :

  1. Droits de propriété : L’interaction entre les titres aborigènes et tous les droits de propriété de superficie et, très probablement, de subsurface existants est incertaine. Les régimes d’enregistrement des titres modernes (Torrens et des actes) ne permettent pas d’enregistrer les titres aborigènes, ce qui crée encore plus d’incertitude en ce qui concerne les droits de propriété existants sur les terres pour lesquelles un titre aborigène est revendiqué. Le résultat est que l’on ne peut pas mettre un titre aborigène en gage à la banque et qu’il est plus difficile d’obtenir un financement pour des terres visées par une revendication de titre aborigène.
  2. Compétence : Sur les terres visées par un titre aborigène, il y a de l’incertitude en matière de compétence, du moins, en ce qui concerne les ressources, les terres, les citoyens et l’imposition. Par exemple, les impacts potentiels d’une compétence des Premières nations en matière de recettes sur les terres visées par un titre aborigène concurrente avec la compétence provinciale en matière de perception de recettes causent une incertitude quant aux coûts pour les investisseurs potentiels. Un certain nombre d’autres compétences concurrentes, comme l’enregistrement foncier, peuvent également exister sur les terres visées par un titre aborigène, ce qui contribue également à cette incertitude.
  3. Fiscalité : L’incertitude quant à la compétence et au droit de propriété cause deux types d’incertitude fiscale. En premier lieu, les gouvernements (et plus particulièrement les provinces) comptent sur les recettes qu’ils perçoivent sur les terres visées par un titre aborigène et à partir des investissements proposés sur ces terres pour mettre en application des règlements, offrir des services et construire des infrastructures. La réduction de ces recettes pourrait nuire à la qualité de ces services. En deuxième lieu, le cadre fiscal actuel ne tient pas compte de la compétence liée aux titres aborigènes, de sorte que les recettes auxquelles les provinces renonceraient potentiellement ne sont pas abordées dans les programmes de transferts fédéraux‑provinciaux.
  4. Gouvernance : Les titres aborigènes sont détenus par des groupes de Premières nations. Par conséquent, les détenteurs des titres doivent élaborer des structures de gouvernance différentes de celles imposées par la Loi sur les Indiens. L’établissement de la légitimité culturelle et politique de ces structures de gouvernance représente un défi considérable en matière de leadership et d’administration pour plusieurs Premières nations.

Les chefs des Premières nations, les cabinets d’avocats autochtones et certains universitaires suggèrent que cette décision s’applique à toute Première nation n’ayant pas signé de traité datant d’avant la Confédération ou plus récent. Compte tenu de cela, l’ITFA pourrait servir d’option raisonnable pour mettre en œuvre les titres aborigènes. Si une Première nation décidait de participer à l’ITFA, des terres visées par un titre aborigène pourraient lui être transférées, et un régime de droits de propriété échangeables détenus en vertu d’un registre de titres Torrens autochtone national pourrait être établi sur le titre aborigène sous‑jacent. Dans ce contexte, l’utilisation de l’ITFA réduirait les quatre types d’incertitude sur les terres visées par un titre aborigène et faciliterait l’investissement, en établissant des droits de propriété individuels garantis, en facilitant l’enregistrement efficient des intérêts fonciers en vertu d’un régime d’enregistrement Torrens, en permettant le financement fondé sur le droit de propriété, et en établissant un cadre de titres fonciers pour appuyer les compétences des Premières nations en matière d’impôts et de services.

De plus, ce régime pourrait respecter les éléments de la décision sur l’affaire Tsilhqot’in, puisqu’il est facultatif, exige le consentement de la collectivité, transfère le titre à la Première nation et protège le titre sous‑jacent.